Val di Mello : Guide Complet du Berceau de l’Escalade Libre en Italie

Imaginez un lieu où chaque prise, chaque mouvement sur le rocher, vous connecte à une histoire. Un musée à ciel ouvert où les œuvres sont des parois de granite façonnées par le temps et gravies par des légendes. Ce lieu existe : bienvenue dans le Val di Mello, le berceau de l’escalade libre en Italie. Plus qu’une simple destination, cette vallée alpine est le témoin d’une révolution qui a redéfini l’esprit même de l’escalade.

Loin de l’image des exploits solitaires, l’histoire du Val di Mello est celle d’un changement de mentalité. C’est ici que, dans les années 1970, un groupe de grimpeurs a décidé que l’esthétique du mouvement primait sur la simple conquête des sommets. Plongeons dans l’histoire fascinante de ce sanctuaire du granite, devenu un spot incontournable pour l’escalade en Italie.

Des Sommets Alpins aux Premiers Blocs : Les Origines de l’Escalade

Avant de devenir la Mecque de l’escalade libre, le Val di Mello était le terrain de jeu des alpinistes. Dès le XIXe siècle, son potentiel n’avait pas échappé aux pionniers, mais leur regard était tourné vers les cimes prestigieuses dominant la vallée.

La Conquête des Hauts Sommets

L’objectif était de vaincre les géants. Le Monte Disgrazia (3 678 m) fut gravi en 1862, suivi par d’autres sommets emblématiques. Pour ces hommes, les immenses parois de granite n’étaient qu’un décor. Luca Schiera, auteur du topo de référence Solo Granito, résume : « Même si les gens faisaient de l’alpinisme ici depuis longtemps, ils ne s’intéressaient qu’aux sommets. Ils voyaient parfaitement les parois du Val di Mello, mais elles ne les intéressaient pas ».

Des Blocs pour s’Entraîner

Ironiquement, l’alpinisme a semé les graines de la révolution. Comme à Fontainebleau, les grimpeurs ont commencé à utiliser les blocs de granite qui jonchent la vallée pour s’entraîner. « C’était une forme d’entraînement […] Ils ne le faisaient pas pour les blocs en eux-mêmes, du moins au départ », explique Luca Schiera. Ces “sassi” (cailloux) sont devenus sans le savoir le laboratoire d’un nouveau sport : l’escalade de bloc.

Le “Nuovo Matino” : La Révolution de l’Escalade Libre

Le tournant a lieu dans les années 1970. Une nouvelle génération, influencée par les récits de liberté du Yosemite et un vent de changement social, a posé un regard neuf sur les parois du Val di Mello.

L’Arrivée d’un Visionnaire : Ivan Guerini

L’alpiniste milanais Ivan Guerini fut le premier à comprendre le potentiel de la vallée vers 1973. Il a vu dans ces dalles de granite des toiles vierges pour une nouvelle forme d’expression. Rompant avec les codes, il a importé une nouvelle philosophie. Comme le raconte Luca Schiera pour Grimper.com, « il a décidé de rester ici […]. Il était le premier à importer cette philosophie du libre, en partant light, sans spits. »

Guerini ne cherchait plus le sommet, mais la beauté du geste. Il a ouvert la première voie emblématique, “Il Risveglio di Kundalini” (L’Éveil de la Kundalini), en deux jours avec un bivouac pour s’imprégner de la magie des lieux. Une nouvelle ère était née.

L’Émergence des “Sassisti” : Les Maîtres du Granite

En 1974, un groupe de jeunes grimpeurs locaux (Antonio Boscacci, Jacopo Merizzi, Paolo Masa) se passionne pour les blocs. Les alpinistes de la vieille école les surnomment avec dédain les “Sassisti”. Loin de se vexer, le groupe adopte ce nom avec fierté. Très vite, les “Sassisti” démontrent une maîtrise technique supérieure. « Les alpinistes se moquaient d’eux, mais assez rapidement, ils ont compris que les Sassisti étaient bien meilleurs qu’eux en escalade », analyse Luca Schiera. Ils répètent les itinéraires les plus durs en une journée, prouvant la supériorité de l’escalade libre.

Une Nouvelle Philosophie de l’Escalade

Ce mouvement, le “Nuovo Matino” (le nouveau matin), symbolise une rupture. L’objectif n’est plus la performance brute, mais l’esthétique et le dialogue avec le rocher. « Ils ne visaient pas un sommet. Ils s’en fichaient complètement », révèle Luca. Cette quête de la beauté du geste est l’essence de l’escalade moderne, et pour l’Italie, cette transformation a eu lieu ici.

Plus qu’un Sport : Une Contre-Culture Hippie

Le “Nuovo Matino” était aussi un mouvement culturel, ancré dans l’esprit libertaire des années 70.

L’Esprit “Hippie” des Pionniers

Simone Pedeferri, une autre légende locale, les décrit sans hésiter : « Ivan Guerini comme les Sassisti, c’étaient des hippies ». Ils vivaient une vie de bohème, squattant des maisons, grimpant et jouant de la musique. Ce mode de vie se retrouve dans le nom poétique et spirituel des voies d’escalade : “Alba de Nirvana” (L’Aube du Nirvana), “Oceano Irrazionale” (Océan Irrationnel)… Chaque nom est une invitation au voyage.

Le Val di Mello Aujourd’hui : Un Sanctuaire de Granite pour Tous

Des décennies plus tard, l’esprit des pionniers souffle encore. La vallée est devenue un spot de renommée mondiale, un véritable Eden de granito, qui a su préserver son âme.

Un Sanctuaire pour Tous les Styles d’Escalade

La qualité de son rocher et la diversité de l’escalade rendent le Val di Mello unique. L’escalade y est souvent technique, notamment sur ses fameuses dalles lisses. Le site Valmasino.info décrit cette spécificité : « Sur les dalles lisses du Val di Mello, l’escalade se fait principalement en “adhérence” ». Mais la vallée offre bien plus. Comme le précise Camptocamp.org, tous les types d’équipement cohabitent : fissures en “trad”, voies en dalles engagées et lignes modernes équipées. Que vous soyez adepte de bloc, de couenne ou de grandes voies, vous trouverez votre bonheur.

Guide Pratique pour Grimper au Val di Mello

• Quelle est la meilleure période ? Le printemps et l’automne sont idéaux pour leurs températures douces. L’été peut être chaud, mais l’altitude offre un refuge agréable.
• Quel matériel prévoir ? Un jeu de coinceurs et de friends est indispensable pour de nombreuses grandes voies. Une corde de 70 mètres est souvent recommandée. Pour les voies sportives et les blocs, l’équipement est plus classique.
• Comment se repérer ? Le topo Solo Granito de Luca Schiera est la bible de la région, recensant avec précision les voies d’escalade.
• Quelle est l’éthique du lieu ? Vous grimpez sur un site historique. Respectez la nature, l’équipement et l’esprit des lieux. Le camping sauvage est réglementé pour préserver cet environnement exceptionnel.

Conclusion : Un Pèlerinage aux Sources de l’Escalade Libre

Le Val di Mello est bien plus qu’une destination. C’est un lieu de pèlerinage pour se connecter à l’histoire et à l’âme de l’escalade libre. Chaque ascension est un hommage aux “Sassisti” et à Ivan Guerini, ces visionnaires qui ont rêvé d’une autre manière de parcourir la montagne. En posant les mains sur ce granite parfait, on perpétue une philosophie où la performance se mesure à l’aune de la beauté et de la liberté. Si vous cherchez une expérience au-delà de la simple performance, mettez le cap sur le Val di Mello. Vous y découvrirez peut-être votre propre “nouveau matin”.