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Sasha DiGiulian : Ascension historique d’El Capitan en libre sur la Platinum Wall

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Suspendue à 800 mètres du sol, piégée par une tempête de neuf jours dans une tente de paroi, les doigts en sang et les vivres s’épuisant : c’est l’épreuve hors-norme vécue par l’alpiniste Sasha DiGiulian lors de l’ascension la plus marquante de sa carrière sur la paroi mythique d’El Capitan.

Le 26 novembre 2025, Sasha DiGiulian, 33 ans, a gravé son nom dans l’histoire de l’escalade. Après 23 jours d’un effort surhumain dans le parc du Yosemite, elle est devenue la première femme à réaliser l’ascension en libre de la « Platinum Wall » (aussi appelée « The Direct Line »). Avec ses 39 longueurs et une cotation de 5.13d, il s’agit de la plus longue voie d’escalade libre de ce monolithe de granit. Un exploit qui la place comme la quatrième personne seulement à vaincre ce défi monumental.

Première ascension féminine en libre de la Platinum Wall

Si El Capitan est une icône de l’escalade mondiale, la « Platinum Wall » est un défi à part. Moins célèbre que la voie « The Nose », cette ligne est réputée pour être techniquement plus exigeante et soutenue. Pour mesurer l’ampleur du défi, la voie compte 24 longueurs cotées 5.12 et six longueurs cotées 5.13. Un véritable marathon vertical qui ne laisse aucun répit.

La mention « en libre » signifie que chaque mouvement a été réalisé au contact du rocher. Le matériel n’assure que la sécurité en cas de chute, sans jamais aider à la progression. Sasha DiGiulian a mené la cordée sur 27 des 39 longueurs, incluant toutes les sections les plus ardues (les « crux »).

Un objectif qui semblait « plus grand que moi »

Malgré un palmarès exceptionnel, incluant un titre de championne du monde, El Capitan restait un rêve pour DiGiulian. Une tentative sur une autre voie en 2022 avait été avortée à cause de la surfréquentation. « Je ne voulais pas faire la queue sur la paroi », a-t-elle confié au magazine Climbing. La « Platinum Wall », réputée pour sa beauté et sa tranquillité, s’est alors imposée.

L’ampleur du projet était intimidante. « C’était un de ces objectifs qui m’a toujours semblé plus grand que moi », a admis DiGiulian. « J’avais même du mal à le dire à voix haute. » Après des mois de préparation et d’étude des mouvements, elle était prête à affronter le granit du Yosemite.

23 jours sur la paroi : Entre agonie, tempête et extase

Le 8 octobre, elle s’est lancée avec son partenaire Elliot Faber. Le plan initial de 15 à 16 jours sur la paroi, déjà le double de son record en portaledge (tente de paroi), allait être largement dépassé.

Un combat contre le rocher et les éléments

Dès le début, l’ascension s’est révélée être un « véritable combat ». Le granit abrasif a mis la peau de ses doigts à rude épreuve. À la 18ème longueur, l’une des plus difficiles, ses doigts saignaient trop pour tenir les prises. Après une chute, elle a dû improviser une nouvelle méthode pour réussir le passage.

Plus haut, leur route a croisé celle des légendes Alex Honnold et Tommy Caldwell, qui réalisaient alors la troisième ascension de la voie. Un bref échange d’encouragements avant que le duo de stars ne file vers le sommet, échappant de peu à la tempête qui se préparait.

9 jours piégés par la tempête

Au 11ème jour, à seulement sept longueurs du sommet, la météo a basculé. Une violente tempête de pluie, neige et vents glacials s’est abattue sur la vallée. Bloqués dans leur portaledge, DiGiulian et Faber ont vu les prévisions s’aggraver. Face à une unique fenêtre météo, le dilemme était terrible : redescendre ou parier sur une amélioration. Ils ont choisi de rester.

Ce choix a nécessité une opération logistique : deux amis, Ryan Sheridan et Clayton Koob, leur ont apporté de la nourriture et de l’eau. Pendant neuf jours interminables, ils sont restés cloîtrés, attendant leur chance.

La poussée finale : La résilience face à la douleur

Au retour du soleil, le rocher était trempé et le froid mordant. La section la plus difficile de la voie, le crux de la 34ème longueur, attendait Sasha, dont les doigts n’avaient pas guéri.

« Je saignais de tous les doigts », raconte-t-elle. « Je me suis dit que j’allais créer une sorte de bouclier sur ces plaies ouvertes, accepter la douleur et foncer. » Protégeant ses plaies avec de la superglue, elle a réussi au quatrième essai, libérant une joie immense mais contenue. Il restait encore plusieurs longueurs difficiles.

Au sommet, elle a posé le pied sur la terre ferme pour la première fois en 23 jours. « Je n’avais pas marché depuis 23 jours. J’étais debout », a-t-elle dit en riant. « Quelle aventure nous avons vécue. »

Cet exploit est une leçon de résilience, de détermination et de courage. Sasha DiGiulian a prouvé que la force mentale permet de surmonter les obstacles les plus extrêmes. « Cette tempête m’a été infligée pour en apprendre davantage sur ce dont j’étais capable », a-t-elle conclu. Une histoire inspirante qui restera gravée dans les annales de l’alpinisme.

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