Le salon Vertical Pro / Halls&Walls 2025, tenu à Friedrichshafen, est bien plus qu’un simple rendez-vous pour les professionnels : c’est le baromètre annuel du marché de l’escalade indoor. C’est ici que se dessinent les tendances et que les tensions d’un secteur en pleine mutation éclatent. L’édition 2025 a confirmé ce rôle, dévoilant un univers contrasté, tiraillé entre une course au spectaculaire et une réalité économique de plus en plus difficile. Plongée dans les coulisses d’un marché qui cherche son second souffle.
Ralentissement des salles d’escalade : la fin de l’euphorie ?
Le premier constat qui frappe dans les allées du salon est sans équivoque : l’heure n’est plus à l’expansion euphorique. Après des années de croissance effrénée, le marché des salles d’escalade en Europe connaît un net ralentissement. La baisse de fréquentation observée en France en 2025 n’est pas un cas isolé. L’Allemagne, les Pays-Bas et même le Royaume-Uni voient la rentabilité de leurs investissements s’éroder. Seule la Suisse semble encore résister, mais pour combien de temps ?
Cette situation a un effet domino immédiat sur toute la filière. Les gestionnaires de salles, confrontés à des budgets plus serrés, réduisent leurs dépenses. Le premier poste de coupe est souvent l’achat de nouvelles prises. Les fabricants de prises d’escalade, qui représentent plus de 70% des exposants à Vertical Pro, sont donc en première ligne. Ils subissent non seulement la frilosité de leurs clients européens, mais aussi une augmentation généralisée des coûts (matières premières, énergie, transport) et les fluctuations des droits de douane.
Le paradoxe des prises d’escalade : toujours plus grosses, mais pour qui ?
Dans ce contexte économique tendu, une tendance de fond peut sembler paradoxale : la course au gigantisme. Les stands débordaient de macros démesurés, de volumes aux finitions glossy et de modules spectaculaires. Ces pièces, souvent magnifiques, sont les stars des compétitions et des réseaux sociaux. Les salles se sentent presque obligées d’en posséder pour rester attractives et « instagrammables ».
Pourtant, cette surenchère pose question. D’un point de vue écologique, ces énormes pièces en polyuréthane ou fibre de verre sont une aberration. D’un point de vue financier, leur coût est exorbitant pour des salles qui cherchent à faire des économies. Mais surtout, sont-elles pertinentes pour la clientèle ? L’immense majorité des grimpeurs évolue dans des niveaux modestes. On a l’impression que l’industrie se concentre sur l’apparence, au détriment de la fonctionnalité et de la raison.
Ouvreurs d’escalade : entre expertise et pression des tendances
Cette tendance révèle une transformation du marché. Les prises d’escalade semblent être devenues des produits de consommation rapide. Une salle qui n’affiche pas les dernières nouveautés d’une marque en vogue peut vite paraître dépassée. Les ouvreurs, principaux prescripteurs, sont au cœur de ce système.
Certains professionnels présents au salon l’admettent : l’utilisation massive de gros volumes peut parfois masquer un manque d’inspiration. Il est plus simple de créer un bloc visuellement attractif en vissant quelques macros symétriques que de concevoir un mouvement subtil sur des prises plus classiques. La question se pose alors : un beau bloc est-il forcément un bon bloc à grimper ?
Murs d’escalade connectés : la tendance technologique qui s’impose
Impossible de manquer l’autre phénomène majeur de cette édition 2025 : la surreprésentation des murs d’entraînement connectés. Les panneaux inclinables à LED, popularisés par des marques comme Kilterboard ou Tension Board, étaient partout. Ces outils technologiques offrent une expérience d’entraînement polyvalente et ludique, avec des milliers de blocs accessibles via une application.
Leur succès est indéniable et les salles les intègrent pour attirer une clientèle avide de performance. Le salon a vu de nouveaux acteurs se lancer, comme Lemur avec un panneau inclinable en positif, ou City Wall avec une offre « discount », la Shiny Board. Cette tendance confirme que la technologie prend une place centrale dans la pratique de l’escalade indoor.
Fabrication des prises d’escalade : qui sont les acteurs clés du marché ?
Le nombre impressionnant de marques de prises pourrait laisser croire à un marché diversifié. La réalité est plus complexe. Derrière cette myriade de noms se cachent très peu de véritables fabricants. La production est en fait largement sous-traitée.
Le leader incontesté de cette production est le bulgare Composite-X, qui fabrique pour plus de 50 marques parmi les plus connues (Cheeta, Flatholds, Kilter…). Pour réduire les coûts, beaucoup se tournent aussi vers la Turquie ou, de plus en plus, vers la Chine. Cette délocalisation permet de maîtriser les coûts de production et de pénétrer plus facilement le marché asiatique en pleine expansion.
Durabilité et outils de gestion : les grands oubliés du salon Vertical Pro
Malgré les défis économiques et écologiques, deux sujets cruciaux étaient étonnamment discrets. Le premier est le développement durable. Bien que quelques entreprises innovantes comme Ghold ou Resetter Climbing (avec ses prises 100% naturelles) étaient présentes, l’écologie n’était pas le thème central. Comme le mentionne pourtant un communiqué de presse de la Messe Friedrichshafen, l’événement se veut une vitrine des « impulsions innovantes », mais la durabilité semble encore attendre son heure.
Le second angle mort est encore plus surprenant. Alors que les gérants de salles cherchent à améliorer leur rentabilité, l’offre de services et d’outils de gestion était quasi inexistante. Pas ou peu de logiciels de CRM ou de systèmes de gestion des ouvertures. Un manque criant, à l’heure où l’optimisation de l’activité est devenue une question de survie.
Conclusion : Quel avenir pour le marché de l’escalade indoor ?
L’édition 2025 de Vertical Pro dresse le portrait d’un marché de l’escalade à un tournant. L’industrie est prise en étau entre une course à l’innovation spectaculaire et une réalité économique qui impose plus de sobriété. Le ralentissement de la croissance des salles force toute la filière à se remettre en question.
L’avenir appartiendra à ceux qui sauront proposer des solutions plus durables, plus pertinentes pour le grimpeur moyen, et qui fourniront aux gestionnaires les outils pour pérenniser leur activité. Le monde de l’escalade a peut-être moins besoin de prises toujours plus grosses que d’idées plus intelligentes pour affronter les défis de demain.
