Reinhold Messner, “Par vents contraires” : Avis sur un livre-testament entre philosophie et règlement de comptes
Reinhold Messner, légende vivante de l’alpinisme, livre à 80 ans son œuvre ultime : “Par vents contraires : De l’art de progresser dans l’adversité”. Plus qu’une simple biographie, ce livre est une confession brute sur une vie d’exploits et de controverses. On pensait tout savoir sur l’homme qui a vaincu les 14 sommets de 8000 mètres sans oxygène. Pourtant, comme le souligne Vertige Media, on y découvre encore “ce regard perçant de vieux chaman qui dérange autant qu’il fascine”. Alors, ce livre est-il le testament philosophique d’un sage ou un ultime règlement de comptes ? Découvrez notre avis et analyse de ce manifeste aussi tranchant qu’un sérac.
“Par vents contraires” : Le livre-testament d’un alpiniste de légende
Publié aux éditions Glénat, “Par vents contraires” n’est pas un récit d’aventure de plus. C’est une introspection sans concession sur une existence dédiée à la performance en montagne. Messner y décortique ses choix, ses convictions sur l’alpinisme pur et les blessures qui ont marqué sa vie.
Le ton est direct, aussi rugueux que le granit des Dolomites de son enfance. Pour Messner, la montagne est une école de vie et l’adversité, un moteur. Ce livre est le reflet de cette philosophie : une pensée forgée par le risque, le froid et une solitude assumée. C’est une œuvre dense où l’auteur critique l’escalade moderne et ses artifices, comme le résument les Éditions Glénat : “À quatre-vingts ans, Reinhold Messner, légende vivante de l’alpinisme, passe en revue sa vie d’aventure et ses convictions, avec l’intransigeance qui le caractérise.”
Analyse du livre : Messner, architecte de sa propre légende ?
L’un des aspects les plus frappants de “Par vents contraires” est sa construction, qui peut donner une impression de déjà-vu aux lecteurs familiers de l’auteur. L’ouvrage s’apparente à une compilation savamment orchestrée de son héritage.
Un “best of” personnel et maîtrisé
Messner agit en maître d’œuvre de sa propre postérité. Il puise dans ses écrits passés, choisit des extraits d’entretiens et intègre des témoignages élogieux. Cette approche, relevée par des critiques comme Alpine Mag, est claire : “On retrouve ainsi des passages entiers déjà publiés ailleurs, des avis flatteurs, des entretiens soigneusement choisis. Une forme de best of.”
Cette construction peut dérouter. On sent que Reinhold Messner ne se contente pas de raconter sa vie, il la met en scène pour laisser une image précise : celle d’un puriste, intransigeant, souvent seul contre tous.
Un règlement de comptes assumé avec le monde de la montagne
Ce livre est aussi, sans conteste, un règlement de comptes. Messner ne mâche pas ses mots envers les institutions, ses contemporains ou les dérives de l’alpinisme commercial.
Il y réaffirme ses positions tranchées sur :
– L’escalade artificielle : une tricherie face à la montagne.
– Les échelles de cotation : réductrices et déconnectées de l’expérience réelle du danger.
– L’utilisation de l’oxygène : pour lui, gravir un 8000 avec de l’oxygène n’est tout simplement pas de l’alpinisme.
Cette posture de gardien du temple, bien que cohérente, peut frôler l’arrogance. Messner n’a jamais cherché le consensus ; il assène ses vérités.
Au-delà de la polémique : Un manifeste pour l’alpinisme pur
Malgré l’aspect “règlement de comptes”, “Par vents contraires” est avant tout un puissant manifeste sur l’essence de l’alpinisme. Pour les passionnés de sports outdoor, c’est une source de réflexion inestimable sur la performance en montagne.
L’éthique de la performance selon Messner
Au cœur de la philosophie de Messner se trouve une éthique de la performance. Le sommet n’est pas le but ; c’est la manière d’y parvenir qui importe. Sa vision repose sur des piliers fondamentaux :
– L’engagement total : en solo, sans oxygène, sans assistance.
– L’acceptation du risque : nier le danger de la montagne, c’est nier l’essence de l’alpinisme.
– La résilience : la capacité à surmonter l’échec, la peur et la douleur.
Il ne s’agit pas de conquérir la montagne, mais de se découvrir soi-même à travers elle.
Une leçon sur la psychologie de l’extrême
Le livre offre une plongée fascinante dans la psychologie d’un athlète hors norme. Messner y analyse la solitude comme une condition nécessaire à l’exploit, et la peur comme un signal vital. Ces réflexions sur la performance extrême sont précieuses, montrant que la force mentale est aussi cruciale que la préparation physique.
L’ombre du Nanga Parbat : La blessure originelle
Impossible d’évoquer la biographie de Messner sans aborder le drame du Nanga Parbat en 1970, où son frère, Günther, a trouvé la mort. Accusé pendant des décennies de l’avoir abandonné, Messner a vécu avec ce poids.
Dans “Par vents contraires”, il revient sur cette tragédie avec sa vérité, crue et douloureuse, aujourd’hui étayée par des preuves. Cette partie du livre est poignante, révélant l’homme derrière la légende. Le règlement de comptes devient ici une quête de réhabilitation pour clore le chapitre le plus sombre de son existence.
Notre avis sur “Par vents contraires” : Faut-il le lire ?
Oui, sans hésitation, mais en gardant à l’esprit certains points.
- Acceptez le personnage : Ne cherchez pas un récit humble. C’est une œuvre à l’image de Messner : brillante, exigeante et parfois irritante.
- Lisez entre les lignes : Derrière le ton autocentré se cache une profonde réflexion sur l’engagement, le dépassement de soi et le rapport à la nature.
- Inspirez-vous de sa force mentale : Pour tout athlète, les passages sur la gestion de la peur et de l’échec sont un véritable manuel de psychologie de la performance.
En conclusion, “Par vents contraires” est une œuvre complexe. C’est le bilan d’une vie, le manifeste d’un puriste et le testament philosophique d’un homme qui a repoussé les limites de l’aventure. Reinhold Messner ne cherche pas à plaire, mais sa légende, il l’a bel et bien écrite sur les toits du monde.
