samedi, novembre 8, 2025
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Nina Engelhard : L’ingénieure devenue double championne du monde de course en montagne

Nina Engelhard : L’ingénieure devenue double championne du monde de course en montagne

Quand Nina Engelhard a franchi la ligne d’arrivée des Championnats du Monde de course en montagne 2025 en première position, une question était sur toutes les lèvres : « Mais qui est-ce ? » Trois jours plus tard, après une deuxième victoire écrasante, son nom était gravé dans l’histoire. Pourtant, l’athlète allemande reste un mystère, une championne qui trace sa propre voie, loin des sentiers battus du sport professionnel.

Une double championne du monde inattendue à Canfranc 2025

Septembre 2025, Canfranc, Espagne. L’élite mondiale de la course en montagne est réunie. Sur l’épreuve de montée sèche (uphill), une silhouette vêtue du maillot de l’équipe d’Allemagne prend la tête et ne la lâchera plus. Nina Engelhard s’impose avec 26 secondes d’avance, devenant championne du monde. Pour beaucoup, c’est une surprise totale.

À peine le temps de réaliser, et la voilà qui récidive. Trois jours plus tard, sur le format classique (up and down), elle domine la course de la tête et des épaules, un léger sourire aux lèvres. En un week-end, cette quasi-inconnue est devenue double championne du monde.

La suite ? Pas de tournée médiatique, pas de publications sur les réseaux sociaux. Nina a simplement éteint son téléphone et est partie une semaine en vacances avec sa famille. Une semaine après son double sacre, elle était de retour à son poste d’ingénieure en environnement, confiant un mois plus tard : « J’ai hâte que tout cela soit terminé pour pouvoir revenir à ma vie et à mes routines quotidiennes. »

Le profil atypique d’une championne : ingénieure et athlète

Le profil de Nina Engelhard a de quoi déconcerter. À 28 ans, cette athlète de Kassel, en Allemagne, n’est pas une coureuse professionnelle. Elle n’a pas de coach, pas de présence sur les réseaux sociaux et s’entraîne avec un volume étonnamment faible pour son niveau : entre 50 et 70 kilomètres de course par semaine.

Son secret ? Une approche holistique et intuitive de la performance. Elle complète sa préparation par de la natation, du vélo et de l’aviron. « Je ne peux pas dire à quoi ressemble une semaine type, car tout se décide vraiment au jour le jour », explique-t-elle. Son parcours est un exemple fascinant d’équilibre entre vie professionnelle et sport de haut niveau.

Dans un univers où l’image et les contrats de sponsoring dictent souvent les carrières, Nina est une énigme. Elle refuse de quitter son emploi pour se consacrer entièrement à la course. Sa confiance tranquille et sa détermination à faire les choses à sa manière en font une figure aussi fascinante que performante.

Des débuts modestes à la découverte de sa voie

Nina a grandi dans un petit village, loin des paysages alpins que l’on associe aux coureurs en montagne. Sa famille, très active, lui a transmis le goût de l’effort. C’est en accompagnant sa mère, une « coureuse amatrice », qu’elle prend goût à la discipline. Très vite, son talent est repéré et elle rejoint le club d’athlétisme local à 13 ans.

Elle y trouve un cadre et un groupe d’amis qui le sont encore aujourd’hui. « Avant ça, je ne savais pas ce que c’était de s’entraîner avec un objectif. On faisait tout pour le plaisir d’être dehors, en mouvement », se souvient-elle. La course à pied devient alors son « hobby favori », son « but ».

Après le lycée, elle fait un choix atypique : un an dans l’armée allemande pour acquérir de l’autodiscipline. Une expérience qui, dit-elle, a renforcé sa confiance en elle.

2023 : La révélation de la course en montagne

C’est en 2023, après avoir obtenu son master en écotoxicologie, que Nina découvre le trail. Elle s’inscrit à la Gamperney Berglauf en Suisse, une course de 8,8 km pour 1000 mètres de dénivelé. Elle gagne avec plus de deux minutes d’avance. « C’était une expérience incroyable et excitante pour moi. J’ai eu tellement de plaisir, c’était si différent des courses sur route ou sur piste. »

Le virus est pris. Moins de quatre mois plus tard, elle termine deuxième de la prestigieuse Großglockner Mountain Run en Autriche. La Fédération allemande d’athlétisme remarque son potentiel et l’encourage à viser une sélection pour les championnats d’Europe 2024.

Elle remporte la course de qualification et se retrouve à représenter son pays, une chose dont elle n’avait « jamais rêvé ». Abordant l’événement sans aucune pression, elle crée la surprise en remportant deux titres de championne d’Europe, un an seulement après ses débuts dans la discipline.

Pourquoi refuser le modèle professionnel ?

Après de tels succès, la voie vers une carrière professionnelle semblait toute tracée. Mais Nina a choisi une autre route, pour des raisons très personnelles et réfléchies.

« Je gagne ma vie avec mon travail parce que je ne veux pas qu’on me dise à quelles courses je dois participer », affirme-t-elle. Elle refuse la pression qui accompagne les sponsors, notamment l’obligation d’être active sur les réseaux sociaux. « Je n’ai jamais été aspirée par ça, et je n’ai jamais vu l’intérêt de me comparer aux autres. »

Elle reconnaît les avantages potentiels d’une vie de coureuse professionnelle mais pour elle, l’indépendance prime sur tout le reste.

L’intuition comme seul coach : une méthode d’entraînement unique

L’entraînement de Nina Engelhard est tout sauf traditionnel. Elle ne suit aucun plan strict. « Pour moi, le plus important est de prendre du plaisir au quotidien », insiste-t-elle. Elle sait qu’aucun entraîneur n’approuverait son faible volume de course. « Alors je continue à faire à ma manière. »

Cette liberté est une profonde connaissance de soi. « Je ne pourrais pas suivre un planning strict. Je sais que je ne le respecterais pas. Je ne sais jamais comment je me sentirai après une longue journée de travail. » Elle adapte donc ses séances : les entraînements intenses quand l’énergie est là, et les sports portés les jours de fatigue.

Pour elle, la course en montagne se prête parfaitement à cette approche. « En montagne, aucune course n’est comparable à une autre. Les chronos, les allures, les fréquences cardiaques comptent beaucoup moins. Et c’est ce que j’aime dans ce sport. »

Récit d’une double consécration mondiale à Canfranc

Le jour de la course uphill des championnats du monde, 107 coureuses de 44 pays sont au départ pour affronter 990 mètres de dénivelé sur 6,4 kilomètres.

Comme aux championnats d’Europe, Nina prend les devants d’entrée de jeu. Sa performance est d’autant plus remarquable qu’elle n’a jamais participé aux grands circuits mondiaux. La course est une lutte intense. « J’ai dû puiser au plus profond de moi-même, au-delà de mes limites », raconte-t-elle. L’agonie se lit sur son visage lorsqu’elle franchit la ligne, mais la victoire est là. [Nina Engelhard remporte le titre mondial] et devient une référence.

Deux jours plus tard, c’est une athlète transformée qui se présente au départ de la course up and down. « Dès l’échauffement, je me sentais bien et je voulais juste profiter de ce dernier événement. » Elle s’envole dès la première montée et creuse l’écart, un sourire visible sur son visage. Elle s’impose avec près de deux minutes d’avance, un véritable récital. « C’était juste un plaisir, un cadeau », conclut-elle.

Une semaine plus tard, ses collègues lui organisaient une petite fête pour célébrer ses titres. Pour Nina, c’était le retour à la normale : un mélange de vélo, de natation, de course et de travail. Une vie équilibrée, où chaque jour est une nouvelle occasion de faire ce qu’elle aime, mais toujours à sa façon.

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