lundi, décembre 29, 2025
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ENAF en Himalaya : Du renoncement au Brahmasar I à l’ouverture d’une nouvelle voie

Expédition de l’ENAF en Himalaya : Un Récit d’Audace et d’Adaptation

Au cœur de l’Himalaya indien, loin des sentiers battus, une équipe d’alpinistes françaises a récemment écrit une page mémorable de l’alpinisme moderne. En octobre 2025, l’Équipe Nationale d’Alpinisme Féminine (ENAF) s’est engagée dans une expédition audacieuse dans la région reculée de l’Uttarakhand. Leur mission : explorer des sommets méconnus et repousser leurs limites. Cependant, comme souvent en haute montagne, l’aventure ne s’est pas déroulée comme prévu. Entre un objectif initial ambitieux, des conditions redoutables et une capacité d’adaptation hors norme, ce récit d’expédition d’alpinisme démontre que la réussite ne se mesure pas seulement à la hauteur des sommets atteints.

Le Brahmasar I : Un Sommet Vierge comme Objectif Initial

Le projet initial de cette expédition en Himalaya avait de quoi faire rêver. L’équipe, composée des jeunes aspirantes-guides Sophie Jacob, Isis Millerioux et Mathilde Badoual, et encadrée par les alpinistes chevronnées Lise Billon et Maud Vanpoulle, visait un sommet encore jamais gravi : le Brahmasar I, culminant à 5850 mètres. Ce pic inviolé se dresse dans la vallée de Satling, un nom qui signifie « la vallée des sept pics » en hindi, un terrain de jeu parfait pour l’alpinisme de découverte.

Comme le souligne la FFME, cette expédition marquait la fin du cycle de formation pour la promotion actuelle, avec pour but « d’ouvrir une voie en haute altitude, dans une zone reculée et peu explorée » [1]. L’arête nord du Brahmasar I, raide et esthétique, avait particulièrement attiré leur attention. Un défi à la hauteur du talent de cette équipe d’élite de l’alpinisme féminin.

Une Logistique Complexe et une Météo Capricieuse

L’aventure a débuté bien avant les premières pentes. Après deux jours de route depuis Delhi, l’équipe a atteint le petit village de Gangi. De là, deux jours de marche à travers une jungle dense, avec quatorze porteurs népalais, ont été nécessaires pour établir le camp de base. La logistique s’est avérée être un premier défi majeur.

Pour compliquer la situation, la mousson tardive a rapidement recouvert la vallée d’un épais manteau de neige. Ce facteur a complexifié l’acclimatation et la montée vers le camp de base avancé, situé à 5000 mètres sur le glacier de Salting. Il aura fallu quatre jours d’efforts intenses pour s’installer au pied des faces convoitées.

Renoncement sur le Brahmasar I : La Sagesse face aux Dangers de la Montagne

Une fois acclimatées, Sophie Jacob, Isis Millerioux, Lise Billon et Maud Vanpoulle ont lancé leur tentative sur l’arête nord du Brahmasar I. Mais la montagne leur a rapidement rappelé ses règles. Elles ont dû affronter des conditions extrêmement difficiles : une neige abondante et instable, un rocher de mauvaise qualité se délitant sous leurs piolets, et un glacier en retrait rendant l’approche périlleuse.

Après une journée d’efforts, la décision fut prise : faire demi-tour. La progression était trop dangereuse. Lise Billon, avec franchise, précise pour Altitude.news : « Nous n’avons pas exactement atteint le sommet. […] Donc, pour la police de l’éthique, non nous n’avons pas fait le sommet » [2]. Ce choix, loin d’être un échec, témoigne d’une grande maturité. En alpinisme de haut niveau, savoir renoncer est souvent la plus grande des victoires.

Rebond et Succès : Ouverture d’une Nouvelle Voie sur la Pointe Walkers

La déception fut de courte durée. Cet imprévu a permis à l’équipe de se retrouver au complet et de faire preuve d’une incroyable résilience. Plutôt que de s’acharner, elles ont réajusté leur objectif vers les magnifiques parois de granite qui dominaient leur camp. Une ligne évidente a retenu leur attention : l’arête ouest d’un sommet de 5300 mètres, la pointe Walkers.

« Bhālō and the Biscuit » : La Naissance d’un Nouvel Itinéraire d’Alpinisme

Ensemble, les cinq alpinistes se sont lancées dans l’exploration de ce terrain inconnu. En deux jours, elles ont réussi l’ouverture d’une nouvelle voie de 300 mètres, un itinéraire soutenu et esthétique, avec des difficultés jusqu’au 6a. Une performance remarquable en style alpin qui restera dans les annales de l’alpinisme en Himalaya.

Elles ont baptisé leur création « Bhālō and the Biscuit ». Un nom plein d’humour, en hommage à un ours (bhālō en hindi) qui rodait près de leur camp, et en clin d’œil à une précédente expédition anglaise qui avait nommé le sommet « Walkers » du nom d’une célèbre marque de biscuits. Le lendemain, elles ont même répété une seconde voie sur l’arête est du même sommet.

Une Expédition Réussie : Leçon d’Alpinisme et de Cohésion en Himalaya

Au final, même si le Brahmasar I reste invaincu, cette expédition de l’ENAF est une formidable réussite. Elle a mis en lumière la cohésion exceptionnelle de l’équipe et sa capacité à s’adapter à un environnement aussi complexe que l’Himalaya. La gestion de l’altitude, de la logistique, d’une météo imprévisible et d’un terrain exigeant a été exemplaire.

Cette aventure restera gravée comme une performance de premier plan en alpinisme de découverte. Les membres de l’ENAF en ressortent plus fortes, riches d’une expérience qui les portera vers de futurs exploits. Une belle leçon de montagne qui prouve que l’essentiel n’est pas toujours au sommet, mais dans le chemin parcouru.

L’équipe tient à remercier la FFME, ainsi que ses partenaires Cimalp, Mont-Blanc, Au Vieux Campeur, Beal, Grit&Rock, Soroptimisme, le Topo et la Belfius Banque pour leur soutien essentiel.

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