Crise à l’ENSM : un déficit record menace la formation des professionnels de la montagne
Un chiffre choc secoue l’écosystème de la montagne : 680 000 euros. C’est le déficit record enregistré par l’École nationale des sports de montagne (ENSM) pour 2024. Révélé par un rapport de la Cour des comptes, ce gouffre financier n’est pas un simple accident, mais le symptôme d’un modèle économique à bout de souffle. Une situation critique pour l’institution qui forme tous les guides, moniteurs et accompagnateurs assurant notre sécurité sur les sommets.
Derrière chaque guide de haute montagne, chaque moniteur de ski, se trouve une institution garante de leur excellence : l’École nationale des sports de montagne. Or, ce pilier de la filière française est aujourd’hui en péril. Le rapport publié par la Cour des comptes le 8 décembre 2025 est sans équivoque. Le déficit de -679 699 € confirme une « fragilisation progressive de son équilibre financier » depuis 2021.
L’ENSM, un pilier stratégique pour la montagne française
Pour saisir l’ampleur de la crise, il faut comprendre le rôle central de l’ENSM. C’est le seul établissement public en France chargé de former et de certifier les professionnels des métiers de la montagne. Sans elle, pas de cadres qualifiés pour garantir la sécurité et transmettre les bonnes pratiques en alpinisme, ski ou randonnée.
L’ENSM se compose de deux entités majeures :
- L’École nationale de ski et d’alpinisme (ENSA) à Chamonix, référence mondiale de l’alpinisme.
- Le Centre national de ski nordique et de moyenne montagne (CNSNMM) à Prémanon (Jura).
Ses missions vont au-delà de la formation : elle soutient les athlètes de haut niveau, mène des projets de recherche, analyse l’accidentologie et participe à la coopération internationale. L’ENSM est le véritable cœur de l’expertise montagnarde française.
Analyse d’une crise financière : pourquoi l’ENSM est en déficit ?
Comment une institution d’un tel prestige a-t-elle pu accumuler un tel passif ? Si le directeur, Manuel Brissaud, nuance en rappelant que le bilan 2022 était excédentaire, la Cour des comptes identifie plusieurs facteurs structurels ayant fragilisé le modèle économique de l’école.
Un modèle de formation structurellement déficitaire
Paradoxalement, la mission première de l’ENSM, la formation, creuse son déficit. Les frais d’inscription demandés aux futurs professionnels sont très inférieurs aux coûts réels d’un enseignement de pointe, qui exige un encadrement d’élite et une sécurité maximale. Ainsi, plus l’école forme d’élèves, plus son déficit augmente.
L’inflation et la hausse des charges : des coûts qui s’envolent
L’ENSM a été frappée de plein fouet par l’inflation post-Covid. La hausse des prix de l’énergie, des transports et des équipements a alourdi les charges de fonctionnement. Ces surcoûts n’ont pas été compensés par une augmentation suffisante des tarifs, créant un effet de ciseaux financier dévastateur.
Quelles solutions pour sauver l’ENSM ? Les pistes de la Cour des comptes
Face à l’urgence, le rapport propose plusieurs recommandations pour réformer en profondeur le modèle de financement de l’ENSM et assurer sa pérennité.
Optimisation interne et maîtrise des coûts
La première piste est une meilleure gestion interne. La Cour préconise de renforcer la comptabilité analytique pour identifier précisément le coût de chaque formation. Des économies ciblées sur certaines dépenses sont également suggérées pour optimiser le budget.
La hausse des frais de formation : une piste controversée
La recommandation la plus directe est d’augmenter les tarifs des formations. Bien que logique sur le plan comptable, cette mesure pourrait freiner l’accès à ces professions pour de nombreux jeunes passionnés. Un équilibre devra être trouvé pour ne pas rendre la formation de guide de montagne ou de moniteur de ski élitiste.
Vers une contribution accrue des acteurs privés de la montagne
C’est le levier le plus stratégique. La Cour des comptes, citée par Outside.fr, note que les acteurs privés (stations, fédérations, marques), qui bénéficient directement de la qualité des formations, « contribuent très marginalement à son financement ». L’idée est de les solliciter davantage via le mécénat ou la taxe d’apprentissage. La survie de l’ENSM est aussi leur affaire.
Un enjeu majeur pour l’avenir de la montagne et les JO 2030
Cette crise financière est un signal d’alarme pour toute la filière. Comme le souligne Le Dauphiné Libéré, la pérennité de cette institution « stratégique » est un enjeu national.
À l’approche des Jeux olympiques d’hiver de 2030 dans les Alpes, la pression s’accentue. Accueillir un tel événement sans un pôle de formation d’excellence est impensable. La performance sportive et les standards de sécurité dépendent directement de la qualité de l’encadrement que seule l’ENSM peut fournir.
Le modèle actuel, quasi exclusivement public, a atteint ses limites. L’avenir de l’ENSM dépendra de sa capacité à fédérer l’ensemble des acteurs de la montagne autour d’un nouveau pacte financier. La fameuse solidarité montagnarde doit désormais s’exprimer pour sauver le vaisseau amiral de l’expertise française et continuer à former les sentinelles de nos montagnes.
