Syndrome de la Bonne Élève en Sport : Comment Retrouver le Plaisir de Courir ?
Votre montre GPS est-elle devenue votre coach personnel, votre juge et votre jury ? Chaque sortie est-elle analysée, chaque donnée disséquée, chaque calorie comptée ? Si cette description vous parle, vous êtes peut-être touché par une tendance de plus en plus présente dans le sport amateur : le syndrome de la bonne élève. Loin d’être un simple désir de bien faire, ce comportement peut transformer une passion en une source de stress, où la performance prend dangereusement le pas sur le plaisir. Cet article explore ce phénomène, ses racines, ses risques dans les sports outdoor comme le trail et la course à pied, et surtout, comment retrouver un équilibre sain pour que le sport reste avant tout une source de joie.
Qu’est-ce que le Syndrome de la Bonne Élève appliqué au Sport ?
Le concept de « bonne élève » nous est familier. Il évoque l’image de l’étudiant assidu, qui veut tout maîtriser pour obtenir les meilleures notes. Comme le décrivent Océane et Charlotte de Safe Place, « À l’école, c’est celle ou celui qui cherche à tout comprendre pour obtenir les meilleures notes. ». Ce besoin de contrôle, souvent encouragé durant l’enfance, ne reste que rarement confiné aux salles de classe. Il s’infiltre dans la vie professionnelle, les relations personnelles et, bien sûr, dans la pratique sportive.
Cette tendance n’est pas un diagnostic clinique officiel, mais plutôt une construction sociale observée par de nombreux experts. La psychologue Anne Sophie Cheron précise : « Ce n’est pas un syndrome reconnu psychologiquement parlant, mais c’est une construction que l’on remarque chez beaucoup de personnes, essentiellement des filles et des femmes. ». Dans le monde des sports outdoor, cette quête de perfection se manifeste par une volonté de tout maîtriser : la science derrière l’entraînement, l’optimisation de la récupération, l’analyse de chaque donnée physiologique. Le coureur ou la traileuse se mue alors en un véritable gestionnaire de sa propre performance, où chaque sortie devient un examen à réussir.
La Technologie : un Outil au Service de la Performance ou de l’Anxiété ?
L’avènement des technologies portables a amplifié ce phénomène. Les montres connectées, les applications d’analyse et les capteurs de puissance sont devenus les nouveaux bulletins de notes du sportif. Une statistique est particulièrement parlante : plus de 90 % des coureurs réguliers possèdent aujourd’hui une montre GPS. Cet outil, formidable pour suivre sa progression, peut aussi instaurer un rapport quasi scolaire à la pratique sportive.
On mesure, on compare, on évalue en permanence. La peur de « mal faire » ou le besoin de validation externe pousse à un hyper-contrôle. Chaque séance doit être parfaite, chaque objectif chiffré doit être atteint. À force de vouloir progresser à tout prix, beaucoup finissent par transformer une activité censée être un exutoire en une source de tension permanente, où le plaisir initial se dissout dans un océan de données.
Le Piège de « l’Amateur Professionnel » : les Contraintes sans les Bénéfices
Cette dérive a donné naissance à une nouvelle figure : celle de « l’amateur professionnel ». Il s’agit de sportifs amateurs qui, par souci d’optimisation, adoptent un mode de vie digne d’un athlète d’élite. Ils analysent leur fréquence cardiaque au repos, contrôlent la qualité de leur sommeil, planifient leur nutrition au gramme près et suivent leur charge d’entraînement avec une précision chirurgicale.
Le problème, c’est que ces passionnés s’imposent les contraintes d’un professionnel sans en avoir les conditions de vie. Ils jonglent avec un travail, une famille et des obligations sociales, tout en s’ajoutant une charge mentale considérable liée à leur pratique sportive. La moindre déviation du plan « optimal » peut engendrer de la culpabilité. On oublie alors une règle fondamentale, souvent rappelée par les coachs : le repos fait partie intégrante de l’entraînement.
Les Risques de l’Hyper-Contrôle : Charge Mentale, Burn-out et Perte de Sens
Lorsque le sport devient une obligation de performance, les conséquences sur la santé mentale peuvent être sérieuses. La recherche incessante de la perfection peut mener à :
- Une augmentation de la charge mentale : Penser constamment à son prochain entraînement, à son alimentation, à ses données de récupération peut devenir épuisant.
- La perte du plaisir : L’activité n’est plus une source de détente mais une tâche à accomplir, une case à cocher dans une longue liste d’obligations.
- Le risque de burn-out sportif : Même chez les amateurs, une pression excessive et un manque de récupération peuvent conduire à un épuisement physique et mental.
- Une dévalorisation de soi : Lorsque les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes malgré tous les efforts, la déception peut être immense et affecter l’estime de soi.
Le risque principal est de perdre le sens même de sa pratique. Pourquoi court-on ? Pour la performance pure, ou pour le bien-être, le contact avec la nature, le dépassement de soi dans la joie ?
Leçon d’une Championne : Pourquoi les Chiffres ne Font pas Tout
Pour mettre ce phénomène en perspective, il est intéressant de se tourner vers les athlètes professionnels. Amandine Fouquenet, cycliste professionnelle au sein de l’équipe Arkéa-B&B Hotels, connaît parfaitement la rigueur du haut niveau. Ses journées sont calibrées : watts, fréquence cardiaque, zones d’effort. Pourtant, même à ce niveau, elle a appris à se méfier du contrôle excessif.
Elle raconte son expérience avec une montre mesurant son niveau de récupération : « J’utilisais la Whoop […]. Avant une course, si je voyais que j’étais dans le “jaune”, ça pouvait me miner le moral. J’ai dû apprendre à m’en détacher, car parfois les chiffres ne reflètent pas la réalité. ». Avec l’expérience, elle a compris que la performance ne se résume pas à une simple addition de données. « Les chiffres, c’est utile, mais il faut aussi savoir s’écouter. Quand tout est bien fait et que le résultat n’est pas au rendez-vous, c’est souvent là qu’on réalise l’importance du mental. »
5 Conseils pour Casser le Cercle Vicieux et Redonner du Sens à sa Pratique
Si vous vous reconnaissez dans ce portrait, rassurez-vous, il est tout à fait possible de retrouver un équilibre plus sain. Voici quelques conseils pratiques pour renouer avec le plaisir de votre sport :
- Faites des sorties « sans montre » : Accordez-vous régulièrement une séance où le seul capteur est votre propre corps. Courez, marchez ou pédalez aux sensations, sans vous soucier de l’allure ou de la distance.
- Redéfinissez vos objectifs : La performance chronométrique n’est pas le seul but. Fixez-vous des objectifs qualitatifs : profiter d’un lever de soleil en montagne, découvrir un nouveau sentier, partager un moment avec des amis.
- Valorisez la régularité plutôt que la perfection : Comme le souligne l’expert en discipline Fabien Olicard, la constance est une victoire en soi. « Pendant ma préparation, ma grande fierté n’était pas tant la distance parcourue, mais le fait de maintenir trois séances par semaine, quelles que soient les conditions : pluie, vent ou neige. »
- Apprenez à écouter votre corps : La fatigue, une baisse de motivation ou des douleurs légères sont des signaux à ne pas ignorer. Accepter de se reposer, c’est aussi progresser.
- Concentrez-vous sur le processus : Le chemin est souvent plus important que la destination. Amandine Fouquenet le résume parfaitement : « Le plus beau, c’est parfois la préparation elle-même, pas forcément le résultat. »
Conclusion : Le Sport est un Jeu, ne l’Oublions Pas
Le syndrome de la bonne élève dans le sport est le reflet d’une société qui valorise la performance et le contrôle. Si la discipline et la rigueur sont des atouts pour progresser, ils ne doivent jamais éclipser la raison fondamentale de notre pratique : le plaisir. La technologie est un outil formidable, mais elle doit rester à notre service, et non l’inverse. Comme le dit Charlotte en conclusion de son échange, « Nous avons la chance de pratiquer un sport pour le plaisir. Ce serait dommage d’y ajouter une pression qui n’a pas lieu d’être. ». Alors, la prochaine fois que vous lacez vos chaussures, demandez-vous quel est votre véritable objectif : battre un record, ou simplement passer un bon moment ?
